EHPAD lieu de vie : quels avantages en matière de RH et de finances ?

Ainsi que nous l’exposons dans notre billet conjoint, l’EHPAD est lieu de vie par nature, et il ne peut selon nous qu’advenir à terme, compte tenu des exigences sociétales en hausse continue, et notamment des attentes des baby-boomers bientôt accueillis dans les établissements.

Cette évolution entre toutefois en collision, entre autres, avec la délicate situation actuelle de ceux-ci en matière de ressources humaines (RH) et de finances. Mais il s’avère que la réalisation architecturale d’un EHPAD lieu de vie peut soulager certaines difficultés, avec de forts avantages potentiels côté RH sur la qualité de vie au travail (QVT), et côté finances sur les coûts de fonctionnement et d’investissement.

Quels avantages pour la qualité de vie au travail ?

En matière d’organisation et rôle du personnel, le souhait des habitants de l’EHPAD de vivre leur vie avec l’appui de la communauté implique complexité et adaptabilité, comme pour le cadre architectural. C’est-à-dire non pas une action matérielle et standardisée, mais des échanges et services variés, sur mesure, empathiques, à tous moments.

Ce défi peut paraître hors de portée, avec des RH en tension et notamment une qualité de vie au travail malmenée.

Cependant l’avènement de l’EHPAD lieu de vie pourrait procurer des avantages éminents sur deux fortes attentes du personnel : le confort pratique, et le sens de ce que l’on fait. En effet, il y a convergence entre les attentes des habitants et celles du personnel.

Amélioration du confort pratique

Le confort de travail est souvent insuffisant en EHPAD : manque de temps, efforts physiques sources de TMS, précarité des locaux du personnel (vestiaires…). Or certaines actions architecturales suggérées plus haut peuvent améliorer ces situations.

Économie de temps

La création de salles à manger de quartier pourrait réduire substantiellement le transfert très chronophage (ainsi que stressant et stérile) des habitants entre logements et classique grande salle à manger du RdC.

La circulation plus autonome des habitants (grâce au soin porté à la facilité, au repérage, à l’attrait), peut alléger le temps d’assistance par le personnel.

Enfin, le personnel verra ses trajets écourtés via deux facteurs de la facilité : la compacité horizontale du bâtiment et la bonne répartition des ascenseurs.

Tout ce temps gagné pourra être réalloué à des moments plus qualitatifs avec les habitants.

Facilité d’intervention, réduction des TMS

L’approche ergonomique individualisée, déjà mobilisée au profit des habitants, pourrait aussi bénéficier au personnel, en neutralisant les situations d’efforts physiques et in fine de troubles musculosquelettiques (TMS).

Outre ce gain physique, des interventions dès lors plus aisées et détendues offriraient au personnel et à l’habitant un gain de temps encore, et un gain d’agrément et de qualité relationnelle.

Hors ergonomie enfin, le vaste espace d’un logement de ≈ 25 m2 pourrait faciliter les interventions.

Meilleur agrément des locaux du personnel

Dans cet EHPAD dédié aux habitants mais aussi à sa communauté, la qualité architecturale profitera à tous. Ainsi les vestiaires, lieux de repas et repos, etc… connaîtront-ils les mêmes soin et concertation.

Gain de sens

En EHPAD, s’occuper des habitants a du sens si l’on peut être à leur écoute avec empathie, respecter leurs singularité et liberté, les aider à suivre leurs envies, et aussi apprendre d’eux ; bref, avoir avec eux une relation humaine et sociale (« qualitative »). Mais le personnel, surtout astreint à des tâches fonctionnelles de soin, d’assistance ou d’administration, planifiées et répétées, ressent durement le manque de temps pour cela.

Or la notion de lieu de vie, et certaines actions architecturales dites plus haut, peuvent améliorer la situation.

Impact philosophique global

L’affirmation solennelle par la direction de la vocation de lieu de vie de l’EHPAD paraît primordiale. La relation qualitative avec les habitants deviendra la préoccupation première, et le soin lui sera assujetti ; l’EHPAD se voudra un lieu de vie où l’on soigne, et non un lieu de soin où l’on essaie de vivre. Un tel gage pourrait rendre espoir, stimuler l’engagement et la créativité, et faire naître l’esprit de communauté bienveillante et solidaire dès le début du projet de transformation.

Renforcement des relations humaines et sociales avec les habitants

L‘économie de temps et la facilité d’intervention escomptées au titre du confort pratique permettront de desserrer l’étau dans lequel est pris le personnel et de développer cette relation qualitative.

Le cadre architectural complexe et adaptable que nous avons décrit, rejetant la sèche rationalité, pourrait susciter aussi une relation plus qualitative. Par exemple, un soignant entrant dans un véritable logement aura une attitude plus élaborée, la diversité foisonnante des lieux collectifs nourrira les échanges…

Les quartiers pourraient se prêter à une organisation décentralisée, avec pour chacun une équipe d’élection, dotée d’autonomie, mobilisant entraide, polyvalence, flexibilité en son sein pour sortir du taylorisme et bâtir avec les habitants une relation riche et sur mesure, quasi familiale.

Enfin, l’ouverture de l’EHPAD à la cité inclut pour le personnel, au-delà de son strict rôle professionnel, le loisir de mobiliser sa connaissance privée de lieux, de personnes, d’activités, pour proposer aux habitants des opportunités amicales : sortie dans un cinéma bien accessible ou dans un restaurant aux petits soins, venue dans l’EHPAD d’un artiste ami…

Valorisation de l'autonomie, des responsabilités, de la créativité dans le travail

Cette décentralisation des équipes de quartier a un fort intérêt en soi pour le personnel, car le sens dans le travail passe aussi par la possibilité d’être à l’initiative, de participer à la création collective, d’être reconnu, d’être épaulé, cela à l’opposé d’un rôle passif d’exécution.

Quels avantages pour les coûts ?

La mise en œuvre (construction, utilisation) d’un EHPAD lieu de vie, aussi sophistiqué et donc a priori plus cher qu’un EHPAD « classique », peut faire figure elle aussi de défi impossible, dans un contexte de finances dégradées.

Mais là encore, l’avènement de l’EHPAD lieu de vie laisse espérer des avantages consistants sur le coût de fonctionnement et le coût d’investissement, ou du moins une absence d’aggravation.

Diminution des coûts de fonctionnement

La progression de la QVT citée plus haut peut concourir à abaisser fortement le coût de fonctionnement.

Ainsi de l’amélioration du confort pratique :

  • L’économie de temps nourrira prioritairement la relation qualitative avec les habitants, mais pourrait constituer pour une bonne part une économie directe ;
  • La facilité d’intervention et la réduction des TMS pourraient abaisser les taux d’accidents du travail et d’absentéisme et donc les coûts liés dont l’intérim (et en outre dégager encore du temps).

Et du gain de sens, peut-être plus encore : la motivation retrouvée du personnel, l’énergie et l’efficacité induites, pourraient avoir un effet économique certes difficile à anticiper, mais particulièrement puissant.

Allègement du coût d’investissement

La surface d’un EHPAD lieu de vie, doté de logements d’au moins 25 m2 et de locaux variés de vie sociale, semble devoir être plus élevée que celle d’un EHPAD actuel. Deux leviers de maîtrise de la surface, parmi d’autres non explorés ici, semblent cependant prometteurs :

  • La mutualisation des espaces : la succession dans le temps des usages, la cohabitation au même moment d’usages compatibles, sont à promouvoir ; et cela dans l’esprit nouveau de liberté des habitants d’investir les lieux collectifs, d’immersion des locaux professionnels dans les lieux de vie social
  • La réduction de la surface des circulations, dont le taux est habituellement élevé (30 à 40% de la surface utile) : leur largeur ne pouvant être réduite (le type J exige 140 cm), une solution peut être de miser, à l’opposé de la linéarité, sur la compacité architecturale, une circulation centrale réduite desservant alors une vaste surface périphérique ; le concept de quartier, notamment, se prête à cela.

Tous ces avantages potentiels sont à explorer et quantifier, en lien avec le développement architectural d’un EHPAD lieu de vie, et paraissent prometteurs dans leurs domaines respectifs pour aider à contrer la piètre conjoncture actuelle.

A l’appui de cette thèse, on observe que certains EHPAD parviennent à se transformer avec les moyens d’aujourd’hui.

Image de Didier CORNILLIAT

Didier CORNILLIAT

Consultant Architecte DPLG chez Gerontim - Assistant à maître d’ouvrage depuis 2008, auparavant maitre d'oeuvre, il met ses compétences et expériences au service des établissements souhaitant adapter leur cadre bâti aux besoins des résidents et équipes. Attentif aux enjeux de l'habitat et de la citoyenneté, il propose écoute, concertation, assistance à maîtrise d'usage.

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